Courir est un sport dangereux

Ce matin, je lis le commentaire d’un homme. Après six mots, je comprends qu’il est un autochtone de la tribu « ouin-ouin, on peut plus rien dire ». Que ça soit sur les réseaux sociaux ou dans les repas de famille, il en faut toujours un !

Calimero : appelons-le comme ça pour préserver son anonymat.
Son commentaire remet en question la médiatisation des 5981 signalements d’agressions sexuelles rapportés par des utilisatrices d’Uber (USA) : « Des mecs font partie des victimes dans tes chiffres … Même si en minorité. Et aussi ces chiffres sont à comparer avec le nombre de trajets (plus d’1 milliard et des poussières). Plus de chances de prendre la foudre que de se faire agresser sexuellement en Uber ».

Je viens de me réveiller et je suis déjà saoulée par ce que je lis. Il faudrait que je sorte courir mais la gueule de bois, la fatigue, la pluie et le froid essayent de m’en dissuader. Je monte sur la balance… Ok Sexisme, tu gagnes une fois de plus ! Je m’habille fissa, je me chausse et je démarre.

Dimanche, 9h du matin, rues désertes. Je borde la lisière de la forêt de Soignes avant de m’y aventurer. Les bois sont encore moins fréquentés et je n’y entre pas sans appréhension. Je cours plus vite qu’en rue et si un animal secoue les fourrés, je ne peux empêcher mon cœur de sursauter. Pour le dire simplement : j’ai peur.

Cette peur me ramène au message que Calimero voulait faire passer : « il ne faut pas tomber dans la psychose ». Bordel, il faut bien être un homme blanc hétéro pour dire ça ! Parce que le problème, ce n’est pas qu’on ait peur de prendre un Uber. Le problème c’est qu’on appréhende le fait de marcher en rue ou de prendre le métro quand on est seules. Le problème, c’est qu’on se sent mal dans les salles de sports mais qu’on a aussi peur de se transformer en proie si on jogge. Le problème, c’est qu’on a peur de boire parce qu’alors, c’est presque normal qu’un homme ou plusieurs abusent de nous.

Le problème, c’est que quand je cours et que je dépasse un homme qui marche, je sens son regard sur mon cul qui rebondit ; je sais que l’automobiliste ralentit et qu’il peut me klaxonner s’il est avec un pote. Le problème c’est définitivement n/votre culture du viol. Le problème c’est que la moitié d’entre nous ont été violées et que plus de 90% des femmes subissent le harcèlement de rue. Uber n’est rien d’autre que l’une des pièces d’un puzzle de 10 000.

Alors Calimero, toi qui ne t’es jamais fait violer. Toi qui n’a jamais accéléré le pas devant un groupe de personnes du sexe opposé. Toi qui ne t’es jamais fait siffler. Toi qui ne t’es jamais fait vomir pour garder la ligne. Toi qui ne dois pas faire de fellation à genoux parce que dominé. Toi qui ne monte pas sur ta balance tous les matins. Toi qui n’a jamais été traité de pute, de salope ou de connasse, s’il te plaît, ne me dis pas de quoi je suis en droit d’avoir peur ou pas ; ne me dis pas que ce que je vis ne fait pas sens.

Alors, je pourrais vous dire que courir est un sport dangereux mais c’est d’avoir un vagin qui nous met en danger et réduit le champ de nos libertés.

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